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Vie quotidienne et difficultés des divers groupes participant au commerce de la fourrure.
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Je me trouvais dans une cabane de rondins sur une île du lac Winnipeg une nuit, lorsque qu’un vent mauvais se leva. Une bourrasque particulièrement violente arracha un gros arbre, qui tomba sur le toit de la cabane. Cette dernière était construite solidement et seul le toit fut endommagé (mais quelle frousse j’ai eue!).
Plus tard, on apprit que pendant cette tempête, un petit yacht au service de la Royal Northwest Mounted Police avait chaviré près des côtes, tuant tous ses occupants, à l’exception du capitaine qui avait environ 70 ans, mais qui était encore fort dynamique pour son âge.
Prisonnier pendant neuf jours de son yacht chaviré
Il réussit à s’installer au fond de son yacht chaviré et y demeura pendant neuf jours. Ce fut particulièrement éprouvant pour lui, car la route empruntée par les bateaux à vapeur se trouvait à moins d’un mille.
Alors qu’il était secoué par les vagues, plusieurs bateaux à vapeur passèrent près de lui, mais ne virent pas les signaux qu’il parvenait tout de même à envoyer avec les rares équipements qu’il avait à sa disposition. Après neuf jours, les pieds pendants dans l’eau et épuisé par les froids mordants d’octobre, il fut découvert par une femme indienne dans un canot.
Cette dernière l’amena chez elle, à quelque vingt milles de distance, et lui donna de la soupe de poisson.
On envoya un message décrivant ce sauvetage à Winnipeg. Le gouvernement fit immédiatement envoyer un bateau à vapeur au camp indien et le capitaine fut ramené à Winnipeg, où on le soigna à l’hôpital. Ses pieds étaient dans un état lamentable, mais avant qu’on ne puisse les lui amputer, il mourut.
Je crois aux remèdes et traitements de ces femmes indiennes. Ils sont le fruit d’une longue expérience et les remèdes sont simples et reposent généralement sur la nutrition. La femme indienne qui prit soin de cet homme est une héroïne et je ne crois pas que son geste fut reconnu à sa juste valeur.
Au centre de la Colombie Britannique, une femme indienne et sa fillette, qui vivent toujours à Babine, se rendirent en aval du lac pour cueillir une herbe qui ne pousse qu’à un endroit précis, c’est-à-dire, à douze milles du village.
Elles accostèrent en canot et s’avancèrent quelque peu en forêt. Après avoir cueilli leurs herbes, elles revinrent vers le canot, mais en chemin dérangèrent un gros ours et deux plus petits.
Les petits avaient environ un an : le printemps n’en était qu’à ses débuts et la fourrure de ces bêtes a une grande valeur à ce moment de l’année. Lorsque les deux petits grimpèrent à un arbre, la femme indienne décida de les abattre afin de pouvoir récupérer leur fourrure, mais comme elle n’avait pas de fusil, tuer ces deux ours présentait un problème de taille.
Cependant, elle y trouva rapidement une solution. Elle installa sa fille, qui n’avait pas plus de dix ans, dans le canot et lui dit de retourner à la maison, de chercher un fusil, et de revenir le plus rapidement possible. La fillette était très excitée à cette idée et ne réalisa pas qu’elle laissait sa mère seule et sans protection. Autrement, elle ne se serait sans doute pas autant pressée d’aller chercher le fusil à la maison.
La femme indienne tint les bêtes à distance toute la nuit
La mère avait une petite hache et coupa du bois dont elle se servit pour allumer un feu sous l’arbre où s’étaient réfugiés les deux petits ours, ensuite elle s’accroupit au pied de l’arbre pour attendre le retour de sa fille. Les deux petits ours dans l’arbre ne posaient aucun risque, mais nul besoin de vous dire que la maman ours, rôdant dans les parages, pouvait attaquer cette femme à tout moment. Pendant toute la nuit, seule dans le noir, elle tint la garde, et selon moi, il s’agit certainement d’un des gestes les plus courageux que l'on m’ait raconté.
Tôt le matin, la fillette et des amis arrivèrent et les deux petits oursons furent tués. Lorsqu’on me rapporta les peaux et qu’on me fit part de cette histoire, je ne pus faire autrement que d’offrir un prix plus élevé pour cette capture!
Part II
L’héroïsme de certaines femmes indiennes que j’ai connues
Directeur de district pour la Colombie Britannique
Les chiens auxquels a recours la Compagnie de la Baie d’Hudson, dans le Grand Nord, pour transporter ses marchandises sont connus sous le nom de « huskies ».
Ce sont des animaux courts sur pattes, à large poitrail, leur queue est retroussée et ils ont des oreilles pointues et bien dressées. À l’état naturel, ils sont sauvages et féroces.
Au cours de l’été, lorsque l’on n’a pas besoin d’eux, on les garde dans des parcs faits de billots dressés et formant un cercle. On les nourrit de gras de baleine ou d’autres viandes en abondance dans la région où ils se trouvent.
À l’automne de chaque année, ces chiens deviennent comme des tigres en cages, car ils ne sont jamais libérés de leur parc, et aucun humain ne s’aventure près d’eux. On lance leur nourriture par-dessus le mur, tout simplement.
Lorsque vient la neige et qu’il est temps d’amadouer les chiens pour pouvoir les harnacher et les faire courir, on fabrique un fouet en cousant une pièce de peau de chevreuil en forme de sac d’environ trois pieds de longueur, fermé à une extrémité.
Le sac est rempli de deux livres de plombs, ensuite des bandes de peau sont fixées au sac pour former des lanières de fouet d’environ quatre pieds de longueur. Le tout est attaché à un manche d’au plus un pied.
Lorsqu’il est manipulé par un expert, ce fouet devient une arme qui peut facilement ébrécher une planche à tout coup. Le chien n’est jamais frappé avec le corps du fouet, mais le coup est porté uniquement avec l’extrémité des lanières, produisant ainsi un bruit formidable, rappelant celui d’un coup de pistolet.
Même si ces fouets peuvent imposer le respect aux chiens, c’est plutôt le son qu’ils produisent qui permet de les diriger. Ils ont si peur du fouet que lorsque leur maître entre dans le parc, ils hurlent à la mort et sont harnachés avant d’avoir eu le temps de comprendre ce qui s’est passé.
La porte du parc est maintenant ouverte et toute la meute sort, les chiens sont attachés au traîneau, bien maîtrisé par le conducteur qui fait continuellement claquer son fouet, poussant ainsi les chiens à courir à une grande vitesse, jusqu’à ce qu’ils soient épuisés. Aucun autre entraînement n’est nécessaire. Ils sont maintenant prêts pour leur travail d’hiver.
Dans la plupart des camps indiens, les femmes recueillent le bois, posent des collets pour les lapins et exécutent toutes sortes de tâches similaires, alors que les hommes trappent et chassent le gibier plus gros.
Un jour, au début de l’automne, il y a environ 30 ans, alors qu’il y avait déjà une bonne épaisseur de neige au sol, mais avant que les chiens n’aient été maîtrisés, certains d’entre eux grugèrent les billots entourant leur parc et réussirent à s’échapper.
Ils suivirent le premier sentier qu’ils virent, celui d’une femme indienne qui était allé voir ses collets. Cette femme avait son bébé attaché à son dos, et sa seule arme était une petite hache.
Elle entendit les jappements des chiens et comprit rapidement la situation : sa vie était en danger. Comme toute bonne mère, sa première pensée fut pour son enfant, qu’elle détacha de son dos et fixa à une branche d’arbre assez haute pour que les chiens ne puissent l’atteindre.
Les chiens arrivèrent. On se demande pourquoi elle n’a pas elle-même grimpé à l’arbre, mais elle voulait protéger son enfant et se prépara à combattre les chiens avec pour seule arme sa petite hache.
Un seul coup d’œil à ces chiens, et l’on comprend aisément que ce sont des bêtes féroces. J’ai déjà vu des meutes de loups, mais jamais ils ne se montrent aussi féroces qu’une meute de « huskies » sauvages.
Cette femme indienne les combattit sans peur apparente, et lorsqu’on la retrouva morte, horriblement lacérée, à ses côtés gisaient trois chiens morts et deux grièvement blessés, montrant ainsi l’héroïsme dont elle fit preuve pour protéger son enfant.
Part III
Héroïnes indiennes que j’ai rencontrées
Comme je devais partir pour un voyage de 300 milles, je préparai de la nourriture pour les chiens que je mis à l’arrière de la carriole. Mes propres provisions et couvertures étaient déjà prêtes et à 3 h le lendemain matin, les chiens furent harnachés et nous partîmes au son des clochettes et des claquements de fouets.
De 3 h à 21 h, les chiens purent parcourir environ 70 milles en ne prenant qu’un bon repas de poisson.
Le soir du second jour de mon voyage, je dus descendre en aval d’une baie, où passait le sentier. Je m’apprêtais à passer la nuit au pied de cette baie, dans une cabane d’Indien. Il avait beaucoup neigé et la glace avait enfoncé, l’eau remontait au-dessus de la couche de glace, peut être d’un pied dans la neige.
J’enfonçai à de nombreuses reprises jusqu’à ce que mes pieds soient complètement trempés et que je ne puisse plus suivre le rythme des chiens. Je restai donc sur le traîneau.
Le chemin était si mauvais que les chiens ne pouvaient atteindre leur vitesse habituelle, et je constatai rapidement que la situation s’avérait périlleuse pour moi.
Mes mocassins et mes bas étaient gelés jusqu’aux genoux, et j’espérais qu’en laissant traîner mes pieds sur la neige, je rétablirais un peu de circulation dans mes pieds gelés. Cependant, bien avant d’atteindre mon campement, je savais qu’un de mes pieds était complètement gelé, et j’avais peu d’espoir pour le second.
Enfin, j’arrivai au camp et après m’être assuré que les chiens étaient nourris et installés pour la nuit, j’entrai dans la cabane et réveillai la femme indienne, en lui précisant que je voulais réchauffer mes pieds gelés.
Elle se leva immédiatement. Son premier geste fut de remplir une grande chaudière de neige, ensuite de retirer mes mocassins et mes bas. Heureusement pour moi, seuls mes orteils et la plante d’un pied étaient gelés.
Elle les plaça dans la chaudière de neige et peu de temps après, mes pieds commençaient à dégeler. Elle enveloppa mes pieds et me dit de retourner me coucher.
Avez-vous déjà essayé de dormir avec un pied en train de dégeler? Je ne parvins pas à fermer l’œil cette nuit-là. Le matin, je ne vis plus mes orteils. Il n’y avait plus qu’une plaie profonde, et la douleur était presque insupportable. La femme indienne me fit un bandage qui allégea grandement la douleur.
Le soir, je décidai de repartir dès le lendemain matin. La femme me fabriqua deux mocassins de peau de lapin, si épais et si chauds qu’il était presque impossible que le gel atteigne maintenant mes pieds. Elle coupa et élagua un bâton de dix pieds de longueur afin que je puisse surélever mon pied, à bord de ma carriole, chaque fois qu’il me ferait souffrir.
La dernière partie de mon voyage m’amena à traverser une colonie islandaise où des bœufs harnachés à des traîneaux tiraient des ballots de foin. Les bœufs étaient harnachés au centre du traîneau et ils laissaient un profond sillon, mesurant au moins trois pieds de hauteur de chaque côté.
Il serait trop long pour moi de relater les soixante-dix derniers milles de mon voyage, mais il me suffira de dire qu’en atteignant ma destination, le seul signe de sympathie que je méritai fut d’être traité d’idiot pour être parti le vendredi.
La femme indienne est une héroïne, pour moi à tout le moins, et même si n’importe qui aurait pu poser ces gestes généreux, elle me soigna avec tant d’attention, de compassion et de talent que je me souviendrai toujours d’elle comme d’une héroïne.
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